couverture du livre "hold-up planétaire

Je vous propose donc d’aller voir un instant ce qui se passe dans un monde imaginaire,
que j’ai commencé à explorer dans « Piège dans le cyberespace 9 ».
Il s’agit du pays des Techno-Crétins, où une entreprise, appelons-la MacroPresse,
obtient peu à peu le contrôle absolu des imprimeries de la planète.
Les éditeurs lui confient leurs journaux à imprimer avec des caractères MacroPresse,
dont elle est la seule propriétaire.
Un beau jour, l’entreprise explique à grand renfort de publicité,
qu’elle a découvert des caractères beaucoup plus performants : appelons-les les caractères klingoniens,
d’après l’alphabet des Klingons, dans la série télévisée Star Trek.
Et elle commence à imprimer tous les journaux et magazines en « klingonien ».
Bien sûr, ces caractères ne sont lisibles que grâce à la loupe MacroPresse,
distribuée dans tous les kiosques, aux frais des éditeurs de journaux.
Le public, ravi d’épouser la modernité, s’adapte et achète massivement la loupe.
MacroPresse, forte de son monopole, change alors les caractères tous les deux ans, puis tous les ans.
La vieille loupe ne peut pas lire le nouveau klingonien, et il faut, à chaque version,
que le public s’en procure à grands frais une autre.
Flairant l’aubaine, un compétiteur invente une mini loupe, aussi efficace et bien moins chère pour lire le klingonien.
Mais les éditeurs, qui ont un contrat exclusif avec MacroPresse, refusent de la distribuer…
Pire : MacroPresse gagne un procès contre ce concurrent,
coupable d’avoir analysé le klingonien pour concevoir sa mini loupe!

Cela vous semble scandaleux ?
Jamais je ne me ferais arnaquer de la sorte, pensez-vous ?

Tel est pourtant le lot quotidien des clients de Microsoft.
En effet, pas question de lire correctement un document écrit en Word 7.0 avec un logiciel Word 5.0, par exemple.
Ou d’espérer ouvrir un fichier en Word pour Windows avec un traitement de texte Word 6.0 pour Macintosh.
Je l’ai appris à mes dépens en m’escrimant un jour à essayer d’ouvrir un formulaire téléchargé
sur un site dépendant de la Commission européenne…
Résultat : notre laboratoire a dû acheter un gros PC avec Windows 95 et Office,
dont on se serait bien passés, dans le seul but de pouvoir lire ces documents importants.

La loupe klingonienne n’est pas aussi imaginaire qu’on le croit.
Chaque utilisateur est en outre obligé de racheter Microsoft Word, à chaque nouvelle version,
juste pour pouvoir continuer à lire les fichiers nouveaux des autres.
Cette constante évolution des produits, présentée comme un gage de qualité,
constitue en fait l’imposition d’une véritable taxe monopoliste.

Pourquoi faudrait-il racheter et réapprendre à utiliser un nouveau traitement de texte tous les douze ou dix-huit mois,
alors que la façon d’écrire un curriculum vitae n’a pas changé en dix ans ?

Et si, par malheur, on avait acheté un produit complémentaire pour Word 5.0,
par exemple un dictionnaire d’espagnol,
il faudra l’acheter à nouveau pour la version 7.0, le vieux étant incompatible,
alors que l’espagnol, lui, n’a évidemment pas beaucoup changé en quelques mois.

Roberto Di Cosmo, Dominique Nora

Le livre est disponible intégralement en ligne!

<Extrait précédent :: Extrait suivant>